Ev Zin n°25 - Septembre 2023 | 6 tomates grecques

L'éternel débat consistant à savoir si la tomate est un légume ou un fruit et qui oppose botanistes et cuisiniers depuis des décennies reste, au bout du compte, de peu d'importance face au questionnement qui envahit le gourmet au moment de choisir la variété la plus adaptée au plat qu'il envisage de préparer.

L'apparition sur les étals de nouvelles espèces ne fait que renforcer le dilemme :  la rose à la chair beurrée, la noire bien potelée ou la jaune si photogénique, laquelle finira dans la casserole ? Depuis le 19ème siècle et après qu'elle ne soit plus considérée comme un poison, les variétés de tomates se sont multipliées. On estime aujourd'hui qu'il en existe plus de 10 000 dans le monde, provenant de graines anciennes ou plus récentes.

Une simple balade sur un marché grec permet de se rendre compte de l'élargissement de l'offre dans un pays où, voici une cinquantaine d'années, le chaland ne se voyait proposer que la tomate "simple", ronde et bien rouge. Celle que l'on retrouvait indifféremment dans la salade grecque, à la base des fameuses yémista (tomates farcies aux herbes) ou en sauce pour accompagner les délicieuses soutzoukakia (boulettes de viandes aux épices de Smyrne). Voici  six tomates "nouvelles", apparues ces dernières années et que nous avons rencontrées en flânant sur le marché de la rue Kokkinara à Kifissia près d'Athènes.

La Katsari noire

La "Katsari noire" ou "grosse Katsari" - comme on la surnomme en Messénie - nous est présentée par un producteur de Livadia. Son aspect et surtout sa couleur - elle est vraiment très sombre - peuvent rebuter au premier coup d’œil, surtout si l'on est habitué aux tomates de supermarché bien rondes et bien rouges. Mais sa chair très aromatique et totalement dépourvue d'acidité, presque sucrée, est une vraie récompense, une divine surprise ! Recommandée en salade, préparée façon "carpaccio" avec juste une pincée de sel marin et un filet de citron.

La tomatini noire

La "tomatini noire" est une tomate cerise à la belle couleur rouge foncé, presque noire et une peau plus épaisse que les tomates de sa catégorie. "Elle rappelle une tomate ancienne" nous dit son producteur de Myres Hérakleion lorsqu'il nous l'offre à goûter. Elle contient sept fois plus de lycopène - substance à l'origine de la couleur rouge des tomates reconnue comme un puissant antioxydant - que toutes les autres tomates. Elles sont parfaites pour les apéritifs grecs, comme les mezzés, et peuvent être farcies avec des crèmes de fromage, d'herbes et d'huile d'olive.

La tomatini jaune

La "tomatini jaune" est elle aussi une tomate cerise. On la rencontre de plus en plus dans les salades proposées par les nouveaux restaurants d'Athènes qui profitent de son aspect visuel pour ajouter une touche colorée dans leurs assiettes. Sa couleur est obtenue par mutation de l'un des gènes de la tomate commune qui ralentit la production de lycopène. Probablement la plus photogénique des tomates cerises, sa chair est délicieuse, moins acide que les rouges et plus douce en goût. Elles sont couramment utilisées dans les plats de poisson grecs, apportant une touche sucrée et acidulée aux sauces et aux garnitures.

La pomodori

La "Pomodori", celle que les aztèques appelaient tomalt, mot nahualt qui désignait le fruit de la tomatille Physalis inoxarpa devenu "tomate" après sa domestication. Cette variété s'implantera en Espagne et à Naples où elle sera baptisée pomodoro soit "pomme d'or" ou "pomme d'amour". Ici, en Grèce, les pomodori désignent des tomates d'un rouge vif, fermes à peau épaisse, de taille moyenne et longue, en forme d’œuf avec peu de graines et beaucoup de chair. "Idéale pour préparer la sauce tomate maison" nous confirme le producteur originaire de l'ancienne Corinthe.

La batala

La "Batala" est une tomate à gros fruit caractéristique de la région de Vravrona en Attique où elle est cultivée depuis le 19ème siècle. Son surnom lui vient du mot turc batalis qui signifie "ingrat" ou "grossier". Sa forme est particulière, avec des stries profondes qui, si elles lui donnent son aspect un peu disgracieux sont aussi, comme l'affirme Stélios le cultivateur "un bon critère pour les choisir car toutes les tomates striées sont bonnes". Les batala sont souvent utilisées pour farcir avec un mélange de riz et d'herbes pour préparer les fameuses yémista.

La rose

La "Rose", issue de graines anciennes, à la chair confite, beurrée est assurément plus sucrée qu'une tomate rouge. Sa peau très fine la rend fragile et il convient de la manipuler avec précaution. Cependant, son producteur crétois nous recommande de bien les serrer dans le plat pour tomates farcies afin qu'elles ne se démontent pas et que nous profitions pleinement de ses saveurs incomparables.

Le marché est toujours un endroit haut en couleur où bat le pouls d'une ville. C'est particulièrement vrai en Grèce où le marché s’appelle toujours Laïki agora (Λαϊκή αγορά), littéralement "marché populaire". On peut y découvrir la cuisine grecque par les produits qui y sont proposés et qui constituent la base d'une cuisine simple, basée sur la fraîcheur des ingrédients utilisés. On peut également y faire aussi de belles rencontres, telles ces six tomates qui sont devenues nos amies !

"Ev Zin" = "La bonne vie"
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