EV ZYN N° 42 - Février 2025

Stupeur et tremblements.

Depuis Janvier, l'île grecque de Santorin est parcourue de convulsions qui sèment l'inquiétude, au point que les autorités ont procédé à l'évacuation de 11 000 habitants et travailleurs saisonniers par voie maritime ou aérienne. Face à ce phénomène naturel récurrent, les experts se déchirent sur l'origine de ces tremblements : pour les uns, il s'agit d'un phénomène d'ordre tectonique - du aux mouvements de l'écorce terrestre qui s'étire à cet endroit - pour les autres, ces séismes à répétition sont  liés à l'origine volcanique de l'île. Cette querelle rappelle celle engendrée en 373 avant J.C. par la destruction de la ville d'Hélikè en Achaïe et pour laquelle Diodore de Sicile distinguait deux écoles : celle des physikoi qui étudient la nature et celle des esprits pieux : "les philosophes naturalistes essaient d'expliquer une catastrophe telle que celle là non par la volonté divine mais par des circonstances naturelles produites par un enchainement nécessaire ; au contraire, les personnes qui ont de la piété à l'égard de la divinité expliquent l'évènement en soutenant avec des arguments plausibles que la colère des dieux contre les impies est à l'origine de ce malheur" explique l'historien grec contemporain de Jules César. Il poursuit en apportant des arguments en faveur de la seconde explication : les habitants d'Hélikè auraient offensé le dieu en refusant d'offrir les statues du temple de Poséidon à une délégation venue d'Ionie. Dans la mythologie grecque, Poséidon revêt une personnalité complexe : le frère de Zeus est souvent représenté comme un dieu à la fois puissant et imprévisible, colérique et jaloux, dont le pouvoir s'étend sur l'infini de la mer mais également au monde terrestre. Étroitement lié à la vie des grecs, il accordait ses faveurs aux marins et aux marchands afin qu'il naviguassent en toute sécurité et les grecs anciens associaient souvent les tremblements de terre à ses colères. Qu'est-ce qui, aujourd'hui, a bien pu déclencher le courroux du grand ébranleur de la Terre et maître de la mer ? La sur-exploitation touristique de la perle de l’Égée n'est certainement pas étrangère à son mouvement d'humeur et les statistiques sont effarantes :  3,4 millions de visiteurs en 2024, des pointes à 1000 personnes au km2 au plus fort de la saison , une consommation d'eau en croissance constante au point de saturer l'usine de dessalinisation d'Oïa et la consommation d'électricité qui suit la même courbe vertigineuse, la construction anarchique et qui ne tient pas compte du contexte historique sont autant de raisons à la colère de l'Olympien. Ces séismes à répétition sont une forme d'avertissement prophétique : si le sur-tourisme apporte actuellement  la prospérité des îles des Cyclades, ce phénomène passager se retournera bientôt contre leurs habitants : au fur et à mesure que l'attrait pour les îles grecque diminuera à cause des problèmes liés au volume délirant des vacanciers, la santé économique se détériorera. Les iliens se retrouveront alors avec un environnement définitivement dégradé et plus assez de rentrées d'argent pour faire face. Poséidon nous met donc en garde et nous prie de redonner à Santorin son cachet original, de cesser de piller et d'enlaidir ce bijou de la Méditerranée que les grecs anciens nommaient "kalisté", c'est à dire la plus belle. Saurons nous l'entendre avant qu'il ne soit trop tard ?