Ev Zin n°8 - Avril 2022 | Pâque ou Pâques ?

La Pâque est assurément la fête la plus importante et la plus émouvante du calendrier religieux en Grèce. Au delà des manifestations auxquelles cette célébration donne lieu, interrogeons nous un instant sur l'orthographe, le nombre et le genre du nom de cette fête. Pourquoi donc les catholiques et les protestants utilisent-ils le pluriel alors que les orthodoxes se contentent du singulier ?

D'où nous vient le mot "Pâques" ?

Au commencement il y a Pessah, la fête juive qui commémore la sortie d'Égypte et qui évoque l'idée de "passage". Non le passage hors du pays du Pharaon comme on le croit souvent mais plutôt celui de Dieu au dessus des maisons des hébreux qu'Il voulait épargner lorsqu'Il fit mourir les premiers-nés d'Egypte (dixième fléau). Le mot Pâque qui en dérive nous est parvenu par l'intermédiaire de l'araméen, du grec et du latin ce qui explique les importantes modifications sonores et graphiques qu'il a subi au cours des siècles.

La fête chrétienne (catholiques et protestants) quant à elle commémore la résurrection du Christ qui, selon le Nouveau Testament eut lieu pendant la Pâque juive. Ceci explique l'utilisation du pluriel pour célébrer une fête multiple qui commémore à la fois l'eucharistie lors du repas de la Pâque, la crucifixion du Christ, sa mise au tombeau puis sa résurrection.

Alors pourquoi les orthodoxes oublient-ils le "s" ?  Tout cela est un peu opaque (le jeu de mot était facile !) mais un début de réponse se trouve comme souvent dans le dictionnaire. Pour le Larousse, le mot Pâques est masculin singulier et s'emploie sans article ni épithète. La persistance du "s" final proviendrait de l'ancien français Pasques et aurait été ajouté au 16ème siècle. Mais tout se complique lorsque le mot Pâques se fait accompagner d'une épithète. Il devient alors féminin pluriel et c'est ainsi que l'on se souhaite de joyeuses Pâques ! En grec et selon le dictionnaire Malliaris, Πάσχα est neutre, mais on lui préfère souvent les expressions Ανάσταση ("anastasi" - la résurrection) ou, plus rarement Λαμπρή ("labri" - la lumineuse) toutes les deux du genre féminin. Pourtant, le pluriel se justifierait tant les références sont nombreuses et parmi lesquelles nous retiendrons celles liées à la lumière et à la vie. 

Les origines de cette célébration

Pâque a incontestablement des origines païennes très lointaines liées à l'adoration du soleil et à des divinités associées auxquelles des sacrifices étaient rendus au début du printemps. La superposition des dates de fêtes chrétiennes sur des fêtes païennes a été imposée de nombreuses fois durant les premiers siècles après J-C. ce qui concourt à brouiller les pistes. Mais cette référence à la lumière est patente dans l'expression Λαμπρή citée plus haut comme synonyme de Pâque et dans l'événement du Saint Feu - en grec Ἃγιον Φῶς - qui se produit chaque année à la chapelle du Saint Sépulcre. Le Samedi Saint, le patriarche orthodoxe grec reçoit et transmet aux fidèles présents le feu surgi miraculeusement de la tombe du Christ. Le même soir et dans chaque église grecque, le prêtre apparaît muni d'une bougie et annonce : "venez prendre la lumière à la Lumière sans déclin et glorifiez le Christ ressuscité d'entre les morts".

(1) Frederic Leighton - Le retour de Perséphone (1891). Huile sur toile. 
Sur la droite, Perséphone revient des enfers accompagnée d'Hermès le messager des Dieux. 
À sa gauche, Déméter l'accueille les bras ouverts.  

Pâque est aussi lié au culte de Déméter dont la fille Perséphone retenue aux enfers pendant six mois de l'année remonte sur Terre, symbolisant le renouveau de la nature et la fin des ténèbres. On comprend alors toute la ferveur avec laquelle les grecs s'échangent l'invocation traditionnelle annonçant la résurrection du Christ : "Χριστός Ανέστη !" affirme l'un  "Αληθώς Ανέστη !" confirme l'autre ; "Christ est ressuscité", " oui, il est vraiment ressuscité" !

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Image principale & Vignette ALEXANDRA TORRO pour Unsplash 
(1) Public domain, Wikipedia Commons