Ev Zin n°19 - Mars 2023 | Les origines du carnaval grec

Une période qui marque le retour du printemps

Les trois semaines qui précèdent le début du Carême constituent une période importante dans le calendrier des festivités et de la vie sociale des grecs. Les "απόκριες" ("apokries") correspondent à l'arrivée du printemps marquée par la renaissance de la végétation et symbolisent le retour de la vie après la mort : le retour de Perséphone sur terre après avoir passé six mois aux Enfers auprès de son mari Hadès selon le mythe. Cette période si particulière est célébrée depuis l'Antiquité et par tous les peuples et cultures de la Terre.

Des festivités en l'honneur de Dionysos

Dans la Grèce antique et surtout à Athènes, on célébrait les Anthestéries (en grec ancien Ἀνθεστήρια / Anthestếria), fêtes en l'honneur de Dionysos où l'on ouvrait les vins nouveaux de l'année. On organisait aussi des processions où les participants portaient des masques à l'effigie du dieu du vin et défilaient au rythme d'instruments de musique. Le dernier jour des réjouissances était dédié aux morts (que l'on peut associer au mercredi des cendres dans le calendrier chrétien) et l'on servait une nourriture composée de graines et de fruits, qui n'est pas sans rappeler les "κόλλυβα" ("Koliva") que l'on distribue encore aujourd'hui après les enterrements.

(1) Œnochoé à figures noires, vers 510 avant J.-C.
On peut voir au centre Dionysos représenté de profil avec une corne à boire.
À ses côtés se tiennent des ménades (adoratrices de Dionysos) et des satyres en train de danser.

Après la Grèce, ces célébrations ont été transférées à Rome où elles s'appelaient Saturnalia et donnaient lieu à l'élection du roi du carnaval et autres coutumes qui existent encore de nos jours. Mais qu'elles soient Saturnales, Lupercales ou fêtes dionysiaques, ces fêtes relèvent d'une symbolique similaire : il s'agissait pendant quelques jours d'inverser l'ordre social : ainsi, les esclaves devenaient maîtres et les maîtres devenaient esclaves, en servant les premiers à table. De la même manière, les saisons se succédaient et l'hiver, matérialisé par un personnage confectionné en paille et en bois appelé "majesté carnaval" cédait la place au printemps et finissait brûlé lors de joyeuses ripailles.

(2) Procession en l'honneur du printemps en Rome Antique
Lawrence Alma-Tadema, peinture sur huile, 1894

Des traditions qui perdurent encore aujourd'hui

Quand l’Église christianisa le calendrier et les fêtes associées, elle s’appropria tout naturellement ce Carnaval qui marquait une transition entre la fin de la période hivernale où la cuisine était grasse (le Mardi gras) et le début de la période de jeûne qui conduisait jusqu’à Pâques. Ainsi, ces réjouissances, ces abus étaient les derniers avant le Carême. Étymologiquement d’ailleurs, carnaval viendrait du latin "carnelevare" qui signifie "s’abstenir de viande" et l'on retrouve ce même sens dans le nom "απόκριες" qu'on pourra traduire par "se tenir loin de la viande". Il s'agissait en fait de préparer les gens au jeûne du Carême qui, non seulement nettoie le corps des toxines mais porte un caractère spirituel. Symboliquement, il s'agit de purifier corps et âme pour se rapprocher de Dieu.

(3) Flopée "d'aigles de papier" dans le ciel pendant le lundi pur

On retrouve d'ailleurs l'idée d'élévation dans la tradition des cerfs-volants du lundi pur - "Καθαρά Δευτέρα" ("Kathara Deftera") - soit 48 jours avant la Pâques orthodoxe. Ce jour là, les enfants font voler dans le ciel des cerfs-volants - "Χαρταετός" ("aigles de papier") - multicolores, et les grecs mangent du pain sans levain appelé pain lagana, du halva, des fruits de mer, des légumes et toursi, des olives ou des haricots préparés sans huile. Difficile épreuve pour eux qui constituent les plus gros consommateurs d'huile d'olive au monde avec 23 litres par an et par habitant ! Heureusement, le sacrifice ne dure qu'une journée !

"Ev Zin" = "La bonne vie"
Crédits photos
Vignette, Image principale Christian Wiediger sur Unsplash
(1) Getty Museum Collection
Visible à la Villa Getty (Musée Jean-Paul Getty) à Los Angeles, Getty's Open content Program
(2) Getty Museum Collection
Visible au Getty Center (Musée Jean-Paul Getty) à Los Angeles, Getty's Open content Program
(3) Agnieszka Ziomek sur Unsplash