La lumière grecque

Héméra, la lumière des grecs

La lumière est un des éléments constitutifs du paysage grec qui, avec la mer et les îles, créée une atmosphère particulière, reconnaissable entre toute, et façonne la personnalité unique de la "belle et étrange patrie" (Odysseus Elytis). Dans la mythologie grecque, la déesse Héméra incarne la lumière terrestre et matérielle, celle qui disperse le voile tendu par sa mère Nyx, déesse de la nuit, et révèle aux hommes l'éther bleu et brillant du jour. Car pour les grecs anciens, l'élément vital n'était pas l'air mais la lumière. Mourir ce n'était pas cesser de respirer mais cesser de voir la lumière. Apollon quant à lui était célébré comme le dieu de la Lumière associée à la Vérité et à l'Harmonie, lumière spirituelle offerte aux hommes pour éclairer leurs existences.

(1) Lécythe en terre cuite à figures noires, attribuée au peintre de Sappho, env. 500 av J.-C.
Retrouvée dans une tombe en Attique, cette Lécythe était vraisemblablement une offrande funéraire : 
sur son quadrige, Hélios, dieu du soleil, chasse du ciel Nyx et Éos (déesse de l'aurore)
qui s'enfuient vers les confins du monde.

La lumière, muse des poètes et des écrivains

De nombreux poètes grecs ont chanté la lumière. Georges Seféris constatait dans son Journal : "Je sais seulement que je dois vivre avec la lumière […]" pour en faire le fondement essentiel de sa vie et de son travail poétique. L’œuvre d'Odysseus Elytis célèbre elle aussi la lumière - "louée soit la lumière et la première prière que l'homme ait inscrit dans la pierre" - tout au long d'Axion Esti son poème magistral en forme de prière.

La lumière grecque a aussi été célébrée par des écrivains étrangers, émerveillés par la présence et la consistance de ce phénomène physique qui occupe une place à part dans le paysage grec. Ainsi, l'écrivain et voyageur britannique Lawrence Durrell note dans son récit Les îles grecques le moment précis où, entre Brindisi et Corfou, la lumière change de texture. Lieu indéfinissable où l'on passe de l'Italie, "toute de finesse et souvent de préciosité" à la Grèce "où tout tombe en ruine, le violet, la verticalité, la poussée vers le ciel […] un pays non domestiqué".

(2) Corfou (Κέρκυρα), île principale de l'archipel des îles Ioniennes

Plus loin, il y a cette question fondamentale : "En quoi la Grèce diffère-t-elle de l'Italie et de l'Espagne ?" ; et la réponse tombe comme un rayon de soleil en plein mois d'Août : "C'est par la lumière. La lumière !". Et Durrell de convoquer l'écrivain autrichien Hugo Von Hofmannsthal pour définir ce que la lumière grecque a d'insaisissable, ce qu'elle insuffle au pays qui, d'où qu'on y aborde est austère mais "qui baigne dans une lumière telle que l’œil n'en a jamais contemplé, et dont il jouit comme si le don de la vue venait de lui être offert pour la première fois".

Enfin, il y eu Albert Camus qui effectuera deux voyages en Grèce en 1955 et 1958, deux pèlerinages comme l'aboutissement, la réponse à une quête de vérité. "Ces vingt jours de courses à travers la Grèce, je les contemple d’Athènes maintenant, avant mon départ, et ils m’apparaissent comme une seule et longue source de lumière que je pourrai garder au cœur de ma vie" (Albert Camus, Carnets III).

Dans ses notes, tout indique l’ouverture du corps et de l’âme : "La Grèce n'est plus pour moi qu'une longue journée étincelante, étendue le long des traversées et aussi comme une île énorme couverte de fleurs rouges et de dieux mutilés dérivant inlassablement sur une mer de lumière et sous un ciel transparent. Retenir cette lumière, revenir, ne plus céder à la nuit des jours". 

(3) Le cap Sounion, à l'extrémité sud de l'Attique, 
abrite les ruines du temple de Poséidon bâti au milieu du Ve siècle av. J.-C.

Après Athènes, il découvre les îles enchanteresses, il y éprouve une émotion palpable. La lumière intense du soleil le saisit avec la même ardeur qu’en Algérie. "Je vis ici en bon sauvage, naviguant d’île en île, dans la même lumière qui continue depuis des jours, et dont je ne me rassasie pas". Puis, revenu au cap Sounion, toujours la lumière qui comble le corps et l'esprit : "Assis au pied du temple pour s’abriter du vent, la lumière aussitôt se fait plus pure dans une sorte de jaillissement immobile. Au loin des îles dérivent. Pas un oiseau. La mer mousse légèrement jusqu’à l’horizon. Instant parfait."

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(1) The MET Museum
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